En France, près de 40% des sols sont déficitaires en matière organique*, ce qui engendre une baisse significative de leur fertilité et une sensibilité accrue à la battance et à l’érosion. La baisse inexorable à laquelle nous assistons est liée à l’intensification des modes de productions agricoles et à la diminution de l’élevage. La correction des déficits actuels nécessiterait, outre l’épandage des déjections animales, l’apport annuel de 30 à 40 millions de tonnes de compost. La production nationale actuelle (4 M de tonnes) en est malheureusement très loin.
Il est donc crucial de favoriser le retour au sol des composts de déchets biodégradables dans la mesure où leur qualité est conforme aux normes et réglementations en vigueur.
Les réserves mondiales de phosphore sont en voie d’épuisement, alors que cet élément est indispensable à la production agricole mais également à de nombreuses applications industrielles. Cette problématique était jusqu’ici méconnue du grand public. En effet, les ressources en phosphore viendront à manquer bien avant celles en énergies fossiles. Les experts estiment que les gisements économiquement exploitables de phosphore seront épuisés d’ici 75 ans notamment du fait de la croissance rapide de la population mondiale. Dans ces conditions, il est indispensable de favoriser le retour au sol des matières biodégradables puisque cette pratique est la seule qui permette de boucler le cycle du phosphore.
En France, c’est près de 370 000 tonnes de phosphore (P₂O₅) qui sont ainsi économisées chaque année.
* Roussel et AL 2001
Le traitement des eaux usées constitue une nécessité absolue, afin de préserver la qualité de nos ressources en eau et celle des milieux naturels.
Le fonctionnement des stations d’épuration génère des matières organiques communément appelées « boues » et dont l’utilisation est bénéfique pour les sols et l’environnement.
L’un des avantages, scientifiquement démontré, du retour au sol des matières organiques porte sur l’accroissement de la capacité de rétention en eau des terres agricoles, permettant ainsi l’augmentation de leur réserve utile pour les plantes et une diminution de leurs besoins en irrigation.
Des études récentes démontrent que, dans certaines situations, l’apport de matières organiques permet de multiplier par 4 les réserves d’eau utile du sol et que des économies de l’ordre de 50 à 350 euros à l’hectare en terme d’irrigation peuvent ainsi être réalisées*.
La gestion des ressources en eau est un problème majeur qui se pose à l’ensemble des pays qui développent une agriculture, qu’elle soit intensive ou raisonnée. De nombreuses alertes sur le caractère limité des réserves phréatiques sont adressées régulièrement aux professionnels concernés, les invitant à réduire fortement leur consommation en eau. A titre d’exemple, un hectare de céréales comme le maïs, réclame près de 4 000 m3 d’eau** pour assurer sa croissance jusqu’à la récolte.
* Expérimentation SERAIL – ** Source LIMAGRAIN
La plupart des végétaux ont la faculté de produire de la matière organique à partir du dioxyde de carbone (CO2) en utilisant l’énergie lumineuse. C’est le principe de la photosynthèse. Les plantes ont également besoin pour cela d’eau, mais aussi de nutriments et d’oligo-éléments qu’elles doivent impérativement trouver dans le sol. Les productions agricoles exportent une partie des ressources présentes dans le sol. Il faut donc compenser ce déficit en le réapprovisionnant en substances nutritives. Ainsi, le retour au sol des matières organiques apporte de manière naturelle les nutriments nécessaires à la poursuite des cycles culturaux. L’apport régulier d’amendements organiques comme les déjections animales, les boues d’épuration ou les composts permet de fertiliser les sols et d’améliorer leur potentiel de production.
La fertilisation des sols par des engrais chimiques est une source très importante de production de gaz à effet de serre.
En effet, la production d’une seule tonne d’azote, par voie chimique, génère le rejet de sept tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
En revanche, l’utilisation des amendements organiques permet d’éviter l’apport d’engrais minéraux.
Il est ainsi possible de limiter une consommation significative d’énergie fossile nécessitée par la fabrication et le transport de ce type de fertilisants, généralement importé. Il en résulte une diminution importante de la production de gaz à effet de serre.
A rendement agronomique comparable, l’utilisation des fertilisants organiques, en augmentant la quantité d’humus stable, permet de séquestrer de fortes quantités de carbone.
Une étude réalisée pour la Commission Européenne* a mis en évidence que 8 % du carbone organique total contenu dans les composts restait séquestré, dans les sols.
Ainsi et selon certaines simulations, le potentiel français de séquestration du carbone par les sols recevant des amendements organiques serait de l’ordre de 6 à 9 millions de tonnes annuels, apportant ainsi une réponse pertinente aux accords de KYOTO, au Grenelle de l’Environnement ainsi qu’à la Conférence Environnementale de 2012.
* Application de la méthode «bilan carbone» aux activités de gestion des déchets.Déc2008
Jusqu’à présent, notre modèle économique reposait sur l’utilisation de ressources abondantes et sur un schéma linéaire : extraction de ressources – production – consommation – déchet.
L’économie circulaire propose un nouveau modèle économique où l’utilisation des ressources est optimiséeet où chaque produit, coproduit ou déchet d’une activité est valorisé ou recyclé dans une autre. Il s’inspire, comme le souligne l’Institut de l’Économie Circulaire, du fonctionnement des écosystèmes naturels : « ce qui peut être considéré dans l’économie linéaire, comme un déchet dont la seule issue est d’être enfoui ou incinéré, peut dans l’économie circulaire, avoir encore plusieurs vies ».
L’économie circulaire repose sur plusieurs grands principes comme la prise en compte des impacts environnementaux d’un produit dès sa conception et sur l’ensemble de son cycle de vie, l’optimisation de l’exploitation des ressources, la suppression du gaspillage, la préférence donnée à l’usage plutôt qu’à la possession, enfin la possibilité de donner une deuxième vie aux produits ou de les recycler. « Il s’agit de faire plus et mieux avec moins » résume l’Ademe.
Les démarches de réduction des impacts environnementaux de nos activités, déjà bien engagées, constituent une première étape. L’économie circulaire va plus loin et repose sur un cercle vertueux, celui de la création de valeur sur le plan économique, social et environnemental.
Le Club du Retour à la Terre estime qu’actuellement 5% de la surface agricole cultivée en France est fertilisé grâce à des déchets organiques ou des produits organiques provenant des industries et de collectivités. En comptabilisant les déjections animales cela équivaut chaque année, à une économie de 1,3 millions de tonnes d’azote, 1,3 millions t de potasse et 800 000 tonnes de phosphore, soit une valeur économique de 2,5 milliards €.
D’après les estimations du SYPREA (Syndicat des Professionnels de Recyclage en Agriculture), les filières d’épandage en agriculture des produits résiduaires organiques, ont permis la création en France, de 6000 à 8000 emplois directs, plus de 10 000 en comptant les emplois induits.
L’économie circulaire peut s’appliquer à tous les produits y compris aux déchets « organiques », issus des collectivités, de l’industrie et de l’agriculture.
La lutte contre le gaspillage de produits alimentaires constitue un enjeu très important aujourd’hui dans nos sociétés. Rémy Le Moigne, consultant et auteur de « l’Économie circulaire », estime qu’aujourd’hui en France, un tiers de la production alimentaire est gaspillée, perdue ou jetée.
Les déchets organiques peuvent être réutilisés pour fournir de l’énergie, du gaz ou de l’électricité par la méthanisation, ou de produire des biocarburants par l’estérification d’huiles usagées ou la fermentation de matières végétales.
Les déchets organiques peuvent aussi servir de fertilisants pour les sols par l’épandage de boues organiques ou le compostage. La méthanisation et la production de biocarburants fournissent également des digestats ou des sous-produits riches en matière organique et en éléments fertilisants.
Le retour de ces différents produits aux sols qui vont servir de support à de nouvelles cultures, est l’un des meilleurs exemples d’économie circulaire. A ce titre cette pratique est incluse dans l’atelier « Quelles boucles vertueuses pour une alimentation durable ? » récemment lancé par l’Institut de l’Économie Circulaire.
100% des déjections animales produites (soit un total de 280 millions de tonnes) retournent au sol en France.
40 % des déchets organiques contenus dans les ordures ménagères (sur un total de 16 millions de tonnes) sont recyclés sous forme de fertilisants pour les plantes et les sols.
70 % des boues urbaines produites en France (sur un total de 1,1 millions de tonnes de matière sèche) sont recyclés en agriculture.
9 millions de tonnes d’équivalent CO2 ne sont pas rejetés à l’atmosphère grâce au retour au sol des déchets organiques.
10 000 emplois (opérateurs, transport… dont 50% induits) découlent de la valorisation organique des déchets.
650 millions d’euros sont générés par la filière de retour au sol des déchets organiques.